En application de l’art. 544 du Code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. Toutefois ce droit est limité par le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage.
En zone urbaine, si le trouble de voisinage résultant de constructions nouvelles régulièrement autorisées peut parfois être admis, l’appréciation du caractère anormal du trouble doit tenir compte du milieu existant, nul n’étant assuré, à défaut de bénéficier d’une servitude non aedificandi, de conserver un environnement totalement dégagé dans une zone dédiée à l’urbanisation. Il en résulte que l’ensoleillement d’un immeuble ne peut pas, en ville, être immuable et faire l’objet d’une sorte de droit acquis au bénéfice de propriétaires d’immeubles déjà construits, lesquels ne sont pas fondés à arguer de tels troubles dès lors que leur propriété se situe dans une zone d’habitat continu, rendant prévisible, notamment du fait de l’existence d’un plan d’urbanisme, l’édification de nouvelles constructions.
En l’espèce, le salon-séjour de la maison de M. et Mme X, seule pièce souffrant de la perte d’ensoleillement consécutive à la construction édifiée sur la parcelle voisine, est largement éclairé par trois baies vitrées, l’une à l’Est, la seconde au Sud et la troisième à l’Ouest. La baie vitrée ouverte sur le pignon Sud, implanté à une distance comprise entre 2,98 mètres et 4,24 mètres de la limite séparative des fonds, est en milieu de journée, du fait de l’ombre portée par la construction voisine, totalement privée d’ensoleillement direct pendant la période comprise entre le 16 octobre et le 24 février et partiellement privée de cet ensoleillement au début du mois d’octobre et jusque vers la mi-mars. Les époux X en déduisent l’existence d’un trouble anormal de voisinage.
Mais en implantant leur maison en milieu urbain, quasiment à la distance minimale de la limite de propriété imposée par le règlement d’urbanisme (3 mètres), alors qu’ils savaient que la parcelle voisine était également destinée à être occupée par une construction soumise à des règles d’urbanisme comparables qu’ils avaient déjà la possibilité de connaître, à savoir une construction d’une hauteur d’environ 11 mètres implantée à 3 mètres de la limite séparative des fonds, les époux X savaient que l’ensoleillement provenant de la baie ouvrant sur le pignon Sud serait à bref délai limité au moins pendant certaines périodes de l’année. Or, l’expert a démontré que le volume de l’immeuble réalisé par la SCCV Solveo est bien inférieur à ce qu’autorisait le règlement d’urbanisme, tant en terme de recul par rapport à la limite séparative des fonds que de hauteur de l’immeuble, notamment en raison de la construction du dernier étage en attique. Il en résulte que la perte d’ensoleillement résultant de cette construction est nettement moindre que ce à quoi les époux X s’exposaient et ne caractérise pas un trouble anormal de voisinage.
En outre, le trouble mis en évidence par l’expert est limité en durée, tant dans la journée que dans l’année, et n’a pas d’impact significatif sur les conditions d’habitabilité de l’ immeuble, ni même de la pièce impactée par cette perte relative de luminosité de sorte qu’il n’excède pas non plus à ce titre, les inconvénients normaux de voisinage dans un secteur urbanisé. Le jugement critiqué sera en conséquence infirmé.
- Cour d'appel de Rennes, 1re chambre, 17 mars 2020, RG n° 18/00228