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Le 17 août 2020

 

S'ils échappent au rapport, les avantages reçus du défunt par des bénéficiaires qui ne sont pas ses héritiers restent sujets à réduction, en application de l'article 920 du Code civil, lorsqu'ils constituent des libéralités, directes ou indirectes qui portent atteinte à laréserve d'un ou plusieurs héritiers. Toutefois, en matière d'assurance-vie, par exception résultant de l'article L.132-13 du Code des assurances, le capital ou la rente payable au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé n'est soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant, et ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.

Il en résulte que l'action exercée par les intimés devant la cour en réduction des primes versées, et non plus en rapport des sommes reçues, exige d'eux, d'abord, qu'ils écartent la prohibition de la réduction en matière de primes d'assurance-vie en démontrant l'exagération de ces primes eu égard aux facultés du souscripteur et à la date du paiement, puis qu'ils établissent que les mêmes primes ont porté atteinte à la réserve héréditaire.

Le défunt, né le 11 mai 1929, ancien ouvrier en retraite depuis 1987, veuf en 2001 puis concubin dès 2002, percevait une pension de retraite connue avec précision pour les seules années 2005 et postérieures, s'élevant alors à environ 23.000 EUR par an, soit 1.916 EUR par mois, outre des revenus mobiliers variant selon les années entre 87 et 1 344 euros par an.

Il était propriétaire avec sa femme de leur maison, vendue en 2008 pour un prix dont lui est revenue une part de 112 254,92 EUR. Il s'est ensuite logé en location avec sa compagne pour un loyer mensuel de 699 EUR, jusqu'au décès de celle-ci le 24 août 2014.

A son propre décès survenu le 20 janvier 2016, il détenait une épargne mobilière de 28 606,55 EUR, hors le capital des quatre contrats d'assurance-vie qui s'élevait alors au total de 68 597,96 EUR.

- Pour le contrat Initiative Transmission souscrit le 12 octobre 2001 peu après le décès de sa femme, une seule prime de 40 000 francs (6 097,96 EUR) a été versée à la souscription par monsieur R..- Eu égard au revenu de monsieur R., propriétaire de sa maison et ne supportant pas alors la charge d'un loyer, ce qui lui laissait une capacité d'épargne depuis plusieurs années, le placement de cette somme en assurance-vie ne présente nulle exagération, ni en raison de l'âge du souscripteur qui n'avait alors que 72 ans, ni en raison du montant investi, qui reste modeste, ni en raison du choix du support financier, le seul recours à l'assurance-vie plutôt qu'à une autre solution de placement, ne suffisant pas à caractériser l'inutilité de la dépense ou tout autre chef d'exagération au sens de l'article L.132-13 précité.

L'absence d'exagération de la dépense résulte encore de la possibilité contractuelle laissée au souscripteur de racheter les sommes investies, ce qu'il a fait à hauteur de 5 100 euros à une date non précisée, laissant un solde de 2 006,28 euros.

- Pour le contrat Nuances 3D souscrit le 19 février 2002, une cotisation initiale de 9.000 EUR a été versée à la souscription, puis une ou plusieurs cotisations complémentaires portant le total des primes nettes à 17.400,20 EUR, monsieur R. ayant ensuite procédé à des rachats partiels laissant au 31 décembre 2014 un solde de 731,94 EUR.

Les primes payées au titre de ce contrat, bien que plus importantes que celles acquittées quatre mois plus tôt et s'y ajoutant, restent compatibles avec les capacités d'épargne de l'intéressé, nul ne soutenant qu'il se soit lui-même démuni en plaçant ainsi son épargne, et ce d'autant, comme précédemment, que la faculté de rachat lui permettait de retrouver au besoin la disposition des fonds.

- Le contrat Nuances 3D, souscrit le 20 mars 2008 alors que monsieur R. était âgé de 78 ans, a été alimenté par une unique prime de 60.000 EUR constituant une part des 112 254,92 EUR qu'il avait tirés de la vente de la maison.

Les intimés ne démontrent pas en quoi la décision de placer une large part de ce prix sous forme d'assurance-vie, serait exagérée au regard des facultés d'un souscripteur disposant non seulement du reste du prix, qui constituait à lui seul une autre somme importante, mais encore d'une épargne placée sur d'autres supports et d'une retraite lui permettant d'assumer ses besoins, de surcroît avec la possibilité de rachat dont il a fait partiellement usage pour un montant de 10 501,42 EUR.

- Le contrat Nuances 3 D souscrit le 23 novembre 2011, alors que monsieur R. était âgé de 82 ans, a été alimenté à la souscription par une prime unique de 8.800 EUR laquelle, modeste au regard de l'ensemble du patrimoine mobilier de l'intéressé et de sa retraite, et assortie d'une faculté de rachat dont il a fait usage pour un montant de 5.000 EUR avant le 31 décembre 2014, ne présente pas plus que les précédentes le caractère d'exagération manifeste ouvrant la possibilité d'une réduction pour atteinte à la réserve héréditaire.

En conséquence, la cour, ajoutant au jugement déféré, déboutera les intimés de leur demande de réduction des primes d'assurance-vie.

Référence: 

- Cour d'appel de Besançon, 1re chambre civile et commerciale, 30 juin 2020, RG  n° 18/01829