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Le 06 novembre 2020

 

Aux termes de l'article 688 du Code civil, les servitudes sont continues, ou discontinues. Les servitudes continues sont celles dont l'usage est ou peut être continuel sans avoir besoin du fait actuel de l'homme : tels sont les conduites d'eau, les égouts, les vues et autres de cette espèce. Les servitudes discontinues sont celles qui ont besoin du fait actuel de l'homme pour être exercées : tels sont les droits de passage, puisage, pacage et autres semblables.

L'article 691 du même code dispose que les servitudes continues non apparentes, et les servitudes discontinues apparentes ou non apparentes, ne peuvent s'établir que par titres.

En l'espèce, l'existence du droit de passage de Mme A. n'a jamais été contestée par Mme M. en son principe, mais seulement en son étendue.

L'acte notarié du 20 mars 2006 par lequel Mme A. est devenue propriétaire des biens immobiliers en cause mentionne, au paragraphe « Servitudes », « concernant la désignation du bien :

au levant : le chemin

au midi un passage commun de 3 mètres de largeur et par le jardin Monsieur M.

au couchant et au nord Mme W. mur mitoyen

2° une parcelle de terre au même lieu contenant environ 8 ares tenant :

- au levant : Mme W.

- au midi : Monsieur M.

- au couchant : Mme W.

- et au nord : un chemin de desserte».

Le titre de propriété des auteurs de Mme A., M. et Mme S., daté des 7 et 10 mai 1988, comporte des mentions analogues, rattachant le « passage commun » au « corps de bâtiment » et un « chemin de desserte » à la parcelle de terre enclavée, désormais cadastrée C n°307. (pièce appelante n°5).

Le titre de propriété de M. et Mme Sanz P., daté du 12 avril 1956 et portant sur les mêmes biens immobiliers, qui seraient ultérieurement légués par le premier à la commune de Limon par testament, comporte des mentions identiques, hormis l'identité d'un propriétaire voisin, M. C., en lieu et place de Mme W., distinguant le « passage commun » attaché au « corps de bâtiment » du « chemin de desserte » menant à la parcelle de terre enclavée, désormais cadastrée C n°307.

Toutefois, cet acte de vente des immeubles par M. M. à M. et Mme Sanz P. précise en outre que ces biens ont été vendus au premier par M. et Mme R., qu'ils appartenaient en propre à M. R. qui les avait recueillis dans les successions de ses parents suivant actedu 2 octobre 1920 ayant déterminé ses droits et ceux de ses frère et soeur, lequel prévoyait «qu'un chemin d'une largeur de trois mètres serait établi le long des articles trois et quatre du premier lot, trois du second lot, et trois du troisième lot, pour la desservitude des immeubles partagés. Ce chemin étant compris dans les contenances annoncées». 

Cette mention du «chemin d'une largeur de trois mètres » figure de façon identique au titre de propriété de M. M., daté du 21 octobre 1948. Il y est également décrit que les biens concernés appartenaient en propre à M. François R. pour les avoir recueillis dans la succession de ses parents, en sa qualité d'héritier pour un tiers des biens divisés en trois lots.

Il convient d'en déduire que les trois lots ont été répartis entre M. François R., M. Antoine R. et Mlle Emélie R. aux termes de l'acte de partage du 2 octobre 1920, et que le lot attribué à M. François R. correspond au « premier lot » évoqué, composé de la façon suivante « 1° un corps de bâtiments, situé à Limon ['] 2° une chenevière au même lieu ['] 3° une parcelle de pré, dits « Les Rouches » ['] 4° et un champ, au même [...]. Ce lot comporte bien quatre « articles », dont les troisième et quatrième doivent ainsi être considérés comme bénéficiaires pour leur desserte du « chemin d'une largeur de trois mètres ». (pièce appelante n°7).

Il peut en être tiré une correspondance avec les biens évoqués dans le titre de propriété de Mme A., qui mentionne « une maison d'habitation ['] une parcelle de terre au même lieu ['] le jardin ['] et la parcelle de terre section C numéro 307 », les deux derniers correspondant à la parcelle de pré et au champ mentionnés dans l'acte du 2 octobre 1920.

Le titre de Mme M. et ceux de ses auteurs successifs, M. C. et M. B., font apparaître que ses biens ont été initialement hérités de Mlle Emélie R. par sa fille, Mme B.-R., ou acquis par celle-ci auprès de MM. Antoine et François R. et de Mme Cécile P. épouse R.

Dès lors, nonobstant la clarté toute relative des actes notariés versés aux débats, il doit être considéré que la parcelle C n°307 bénéficie d'une servitude de passage créée par l'acte de partage du 2 octobre 1920, matérialisée par un chemin de trois mètres de largeur dont l'emprise se situe, au vu de la configuration des lieux, sur les parcelles C n° 301 et C n° 492 appartenant à Mme M., et dans le prolongement de la servitude de passage grevant la parcelle C n°449 appartenant à l'indivision Camus.

Les attestations produites par Mme M. en première instance, toutes établies en 1990 par MM. B. et M., Mme K. et M. et Mme M., qui ont trait à l'existence d'un chemin de desserte et au défaut de tout droit de passage, ne peuvent suffire à combattre les énonciations des divers actes notariés ci-dessus mentionnés.

Enfin, Mme A. justifie de son intérêt à voir déterminer l'assiette de son droit de passage par son projet de construire un abri pour deux véhicules sur la parcelle C n° 307, matérialisé par le certificat d'urbanisme et le permis de construire qui lui a été accordé à cette fin.

En considération de l'ensemble de ces éléments, le jugement entrepris sera infirmé et l'assiette de la servitude de passage dont bénéficie la parcelle cadastrée section C n° 307, commune de Limon, appartenant à Mme A. sur les parcelles cadastrées section C n° 492 et 301, commune de Limon, appartenant à Mme M. fixée à la largeur de trois mètres.

Référence: 

- Cour d'appel de Bourges, Chambre civile, 29 octobre 2020, RG n° 19/00265