L'article L. 411-59 du Code rural et de la pêche maritime dispose que le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l'exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans soit à titre individuel, soit au sein d'une société dotée de la personnalité morale, soit au sein d'une société en participation dont les statuts sont établis par un écrit ayant acquis date certaine. Il ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l'exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation. Il doit posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou à défaut, le moyen de les acquérir.
La condition relative à l'exploitation personnelle des parcelles par le bénéficiaire de la reprise est contestée au motif que M. et Mme O. ne cultivent plus eux-mêmes leurs terres labourables depuis de nombreuses années. Cette affirmation procède uniquement de la déduction d'une situation passée non démontrée et inopérante. Ainsi, le fait que plusieurs témoins n'aient pas vu Mme O. travailler dans ses champs ou au volant d'un tracteur n'est pas en soi significatif dès lors que d'autres attestent du contraire. En tout état de cause, il n'est pas de nature à exclure à lui seul le caractère personnel de l'exploitation, puisque la reprise n'interdit pas à son bénéficiaire de se faire aider par du personnel salarié. En outre, indépendamment des terres labourables ayant fait l'objet d'interventions extérieures, l'exploitation comporte un important cheptel de bovins pour lequel l'aide de tiers n'est ni démontrée, ni même alléguée.
Il est établi que Mme O. est affiliée auprès de la Mutuelle Sociale Agricole depuis le 1er avril 2001 en qualité de chef d'exploitation. Le relevé établi par cet organisme fait état de l'exploitation à son nom de 96 hectares environ. Il ressort des attestations versées aux débats par les intimés, que Mme O. s'occupe de trier, d'attraper ou de rentrer son troupeau de vaches, qu'elle rentre le fourrage et le fournit à ses bêtes et qu'elle pratique les travaux de récolte de foins (pièces n°16, n°17, n°18 des intimés). Enfin, il est relevé que les intimés précisent dans leurs conclusions sans être contredits sur ce point, qu'en suite du jugement du 18 juin 2019, Mme O. a repris en 2020 l'exploitation des parcelles litigieuses. Il s'ensuit que la bénéficiaire de la reprise participe personnellement aux travaux de l'exploitation de façon effective et permanente au sens de l'article L. 411-59 du Code rural.
Le fait que Mme O. atteigne l'âge de la retraite en 2025 n'est pas de nature à exclure le respect de l'obligation tenant à la durée d'exploitation personnelle de 9 ans. Un exploitant agricole est libre de faire valoir ses droits à la retraite et il s'agit donc d'une simple éventualité qui relève d'un choix personnel de l'intéressée lequel en l'état ne se déduit d'aucun élément figurant au dossier.
Il est par ailleurs justifié de la condition tenant à la possession d'un cheptel. Comme l'a exactement relevé le premier juge, les intimés produisent aux débats la liste du cheptel bovin de Mme O. et plusieurs factures datées d'août à octobre 2018, libellées à son nom, correspondant à des achats de fourrage ou d'éléments de nutrition animale.
Le premier juge a également justement considéré que Mme O. dispose du matériel nécessaire à l'exploitation ainsi qu'il résulte de l'inventaire établi par la société Cerfrance expert comptable. Le document qui comporte les différents matériels immobilisés à l'actif de l'entreprise de Mme O. fait état notamment de deux tracteurs, d'une charrue, d'un épandeur, de presses, d'une faucheuse ou encore d'une faneuse et il est étayé par des factures établies au nom de la bénéficiaire de la reprise qui ne font pas apparaître l'ancienneté particulière de ces matériels alléguée par les appelants. Il est en outre justifié de l'achat depuis lors de deux autres tracteurs au nom de Mme O. comme en attestent les factures et les cartes grises des véhicules mais aussi de la réalisation de travaux de construction d'un auvent.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il est démontré que Mme O. satisfait aux conditions de reprises des parcelles litigieuses.
Aucune disposition légale ne conditionne la validité de la reprise à l'absence d'incidence sur l'exploitation du locataire des parcelles litigieuses. Dès lors, c'est en vain que les appelants font valoir au demeurant sans en justifier, que l'opération de reprise est susceptible de mettre en péril leur exploitation.
Il s'ensuit que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a dit que le congé notifié le 26 juillet 2016 à M. et Mme J. et à l'EARL J. est recevable et bien fondé, les a condamné à libérer les parcelles louées sous astreinte de 100 EUR par jour de retard à compter de la notification de la présente instance.
- Cour d'appel de Metz, 3e chambre, 14 janvier 2021, RG n° 19/01690