L'article L 116-4 du Code de l'action sociale et des familles dispose que 'les personnes physiques propriétaires, gestionnaires, administrateurs ou employés d'un établissement ou service soumis à autorisation ou à déclaration en application du présent code ou d'un service soumis à agrément ou à déclaration mentionné au 2° de l'article L 7231-1 du Code du travail, ainsi que les bénévoles ou les volontaires qui agissent en leur sein ou y exercent une responsabilité, ne peuvent profiter de dispositions à titre gratuit entre vifs ou testamentaires faites en leur faveur par les personnes prises en charge par l'établissement ou le service pendant la durée de cette prise en charge, sous réserve des exceptions prévues aux 1° et 2° de l'article 909 du Code civil.
L'article 911 du même code est applicable aux libéralités en cause.
L'interdiction prévue au 1° alinéa du présent article est applicable au couple ou à l'accueillant familial soumis à agrément en application de l'article L 441-1 du présent code et à son conjoint, à la personne avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité ou à son concubin, à ses ascendants ou descendants en ligne directe, ainsi qu'aux salariés mentionnés à l'article L 7221-1 du Code du travail accomplissant des services à la personne définis au 2° de l'article L 7231-1 du même code, s'agissant des dispositions à titre gratuit entre vifs ou testamentaires faites en leur faveur, par les personnes qu'ils accueillent ou accompagnent pendant la durée de cet accueil ou de cet accompagnement.
Cet article est issu de la loi du 23 décembre 2015 n° 2015-1776 entrée en vigueur sur ce point le 30 décembre 2015.
L'article L 7221-1 du Code du travail dispose que 'ce présent titre est applicable aux salariés employés par des particuliers à leur domicile privé pour réaliser des travaux à caractère familial ou ménager'.
L'article L 7231-1 du code du travail dispose que 'les services à la personne portent sur les activités suivantes :
- la garde d'enfants ;
- l'assistance aux personnes âgées , aux personnes handicapées ou aux autres personnes qui ont besoin d'une aide personnelle à leur domicile ou d'une aide à la mobilité dans l'environnement de proximité favorisant leur maintien à domicile ;
- les services aux personnes à leur domicile relatifs aux tâches ménagères ou familiales' .
Monsieur Pierre B. est décédé le 23 janvier 2017 et le testament critiqué est en date du 29 octobre 2016 ; les dispositions susvisées sont donc applicables aux faits de la cause.
Concernant le véhicule, le testament est ainsi libellé : 'je fais don à Rose de la DS 4 Citroën qui a d'ailleurs été achetée à nos deux noms pour simplification au moment de mon décès'.
Madame Rose B. soutient que l'interdiction de l'article L 116-4 du Code de l'action sociale et des familles ne lui est pas applicable , au motif que cet article concerne les personnes employées par des particuliers à leur domicile privé pour réaliser des travaux à caractère ménager ou familial , visés par l'alinéa 2 de l'article L 7231-1 du Code du travail, à savoir l'assistance aux personnes âgées, aux personnes handicapées ou aux autres personnes qui ont besoin d'une aide personnelle à leur domicile ou d'une aide à la mobilité dans l'environnement de proximité favorisant leur maintien à domicile.
Elle n'était, selon elle, pas employée dans ce cadre, mais dans celui de l'alinéa 3 du même article, qui concerne les services aux personnes à leur domicile relatifs aux tâches ménagères ou familiales.
Il ressort de l'attestation UNEDIC de fin de contrat, que madame Rose B. a été employée par monsieur Pierre B. du 5 janvier 2009 au 23 janvier 2017, par le système des chèques emploi service ; le certificat de travail établi le 12 février 2017 confirme cette situation et précise que madame Rose B. était employée en qualité d'auxiliaire de vie, ce qui excède des activités de femme de ménage.
C'est en cette qualité qu'elle s'est faite embauchée puisque le curriculum vitae qu'elle a produit faisait état d'une formation d'auxiliaire de vie en 2005, et du fait qu'elle avait exercé cette activité depuis 1996 auprès de différentes personnes.
Il ressort des éléments du dossier, et notamment de l'attestation de monsieur A. Antoine que monsieur B. était atteint d'une maladie rare appelée sclérodermie et d'un cancer de la peau.
Monsieur B. était né en 1935, donc âgé de 74 ans à 82 ans lorsque madame Rose B. s'est occupée de lui ; les bulletins de salaires de 2016 et le document UNEDIC montrent qu'elle effectuait 60 heures de travail mensuelles pour monsieur B..
Cela correspond à un travail d'auxiliaire de vie accompagnant une personne dans tous les actes de la vie, et non à un horaire de femme de ménage.
Il en ressort que madame Rose B. était employée non dans le cadre du 3° de l'article L 7231-1 du Code du travail, mais du 2° du même article, auprès d'un homme âgé et malade.
Monsieur A. Antoine le décrit comme diminué physiquement.
Madame Anita P. indique quant à elle que madame B. a soigné monsieur Pierre B. jusqu'à son décès et indique qu'elle était toujours présente pour l'accompagner en urgence chez le médecin.
Madame VAN W. atteste quant à elle qu'en novembre 2015, monsieur Pierre B. ne pouvait plus conduire, et que c'est l'appelante qu'il l'a conduit dans le nord.
Il s'agissait donc bien d'une assistance aux personnes âgées telle que visée par l'alinéa 2 de l'article 1731-1 du Code du travail.
Attendu que madame Rose B. soutient que son dévouement et son action s'inscrivait non dans le cadre d'un emploi d'auxiliaire de vie, mais dans celui de la relation amoureuse qui s'était nouée entre monsieur B. et elle.
Cette relation amoureuse est évoquée dans une attestation au demeurant non régulière en la forme, de madame Rose-Marie M.
Les autres témoignages la présentent plutôt comme une personne de confiance, d'un grand soutien pour les témoignages joints par l'appelante, ou comme une manipulatrice pour les témoignages joints par les intimés, avec, de part et d'autre de toutes façons ,plus d'attirance de la part de monsieur B. que de la part de madame B.
Mmadame B. avait en tout état de cause une adresse distincte de celle de monsieur B.
Qu' indépendamment de leur relation difficile à cerner , le seul élément constant est que madame B. est demeurée la salariée de monsieur B. , en qualité d'auxiliaire de vie, jusqu'à son décès, ce sur quoi insiste monsieur B. dans son testament puisque , concernant le contrat d'assurance-vie qu'il lui a légué, il indique que 'ce don ne peut être confondu avec les indemnités qui seront dûes à mon décès' ;
Comme l'a justement dit le premier juge, les textes cités ne distinguent pas selon que le bénéficiaire entretient ou non des relations personnelles avec la personne au service duquel il exerce dans la mesure où il existe une relation d'employeur à employé entre les deux parties.
Madame Rose B. se prévaut d'un arrêt de la Cour d'appel de PAU qui a jugé valable, par application de l'article 909 du Code civil, un testament rédigé en faveur 'd'une aide ménagère et amie de la testatrice' en jugeant que la légataire exerçait essentiellement un rôle de gouvernante et de liaison avec les infirmières qui entouraient la testatrice'.
Toutefois il ne s'agit que d'un cas d'espèce.
Il concerne l'application de l'article 909 du Code civil qui n'est pas applicable à la situation de madame B. qui ne prodiguait pas de soins à monsieur B. mais exerçait auprès de lui une fonction d'auxiliaire de vie dans les conditions de l'alinéa 2 de l'article L 7231-1 du Code du travail.
Par suite il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré nulle la clause bénéficiaire de l'assurance-vie AGIPI CLER numéro 937206 établie par feu Pierre B. au profit de madame Rose B. et reprise dans le testament du 29 octobre 2016, et dit que le contrat s'appliquera en faveur des autres bénéficiaires dans l'ordre établi par la dernière clause bénéficiaire du contrat établi le 2 novembre 2016.
Sur la résistance abusive, il est établi que madame B. a accepté la clause bénéficiaire dès le 30 janvier 2017, alors qu'elle était informée de la difficulté juridique, elle a donc commis une faute révélatrice de sa mauvaise foi, génératrice d'un préjudice pour les consorts B. en ce qu'elle a résisté abusivement à admettre leur bon droit.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a alloué aux intimés la somme de 3.000 EUR à titre de dommages-intérêts.
Les dépens de l'instance d'appel seront mis à la charge de madame Rose B. , y compris en ce qui concerne la société de courtage d'assurance ADIS.
Il ne paraît pas inéquitable de condamner madame Rose B. à payer à madame Hélène B. et à monsieur Jacques B. la somme de 2.500 EUR et à la société de courtage d'assurance ADIS celle de 1.500 EUR sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
- Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e et 4e chambres réunies, 16 décembre 2020, RG n° 19/08992