M. B. était gérant de la SARL B. ayant pour objet l'exploitation d'un commerce d'électroménager. Par acte du 13 août 2009, M. et Mme B. se sont portés cautions solidaires de la SARL B. envers la Banque populaire d'Alsace pour un montant de 96'000 EUR et, par acte du 20 août 2010, M. B. seul s'est porté caution pour un montant de 52'000 EUR.
A la suite de difficultés financières de la SARL B., la Banque populaire d'Alsace a actionné ces garanties et, par jugement du Tribunal de grande instance (TGI) de Saverne du 15 avril 2014, a obtenu condamnation de M. et Mme B. solidairement à lui payer les sommes de 58'606,58 EUR et 4'688,52 EUR et la condamnation de M. B. seul à lui payer la somme de 27'328,54 EUR, ces sommes étant assorties des intérêts à compter du 12 décembre 2011, capitalisés année par année. Dans cette procédure, les cautions avaient été représentées par la SCP D.-R.-F., avocats au barreau de Saverne.
Dans le cadre d'une seconde procédure introduite par la Banque populaire d'Alsace pour se voir déclarer inopposable un acte de donation partage avec réserve d'usufruit consenti le 13 août 2011 par les époux B. à leurs trois enfants, M. et Mme B., représentés par un nouvel avocat, ont soulevé, pour la première fois, l'irrégularité de la mention manuscrite de la caution figurant dans l'acte du 20 août 2010 et l'absence de proportionnalité des cautionnements par rapport à leurs revenus et leurs biens.
Par jugement du 13 janvier 2017, le TGI de Saverne, considérant que les moyens invoqués par les époux B. étaient irrecevables, faute d'avoir été présentés lors de la précédente instance, de sorte que le jugement du 15 avril 2014 avait autorité de chose jugée, a déclaré la donation partage inopposable à la Banque populaire d'Alsace.
Le 9 août 2017, les époux B. ont conclu avec la Banque populaire d'Alsace un protocole d'accord en vertu duquel M. B. a versé à la banque une somme de 42'200 EUR au titre de son engagement du 20 août 2010 et les deux époux une somme de 59 000 euros au titre de leurs engagements du 13 août 2009.
Estimant que leur premier avocat avait commis une faute en omettant de soulever divers moyens de défense dès la procédure ayant donné lieu au jugement du 15 avril 2014, M. et Mme B. ont fait assigner la SCP D.-R.-F., par acte d'huissier du 7 juillet 2017, devant le TGI de Strasbourg, aux fins d'indemnisation de leur préjudice.
Il est patent que la mention manuscrite portée sur l’acte de cautionnement n’est pas rédigée de la main de la caution, mais par son épouse. S’il n’est pas établi que les époux aient été animés d’une intention frauduleuse, il n’en demeure pas moins que l’engagement encourt la nullité de ce fait. Or, cette irrégularité pouvait être décelée par un simple examen visuel. En omettant de soulever ce moyen courant en matière de cautionnement, l’avocat a manqué à son obligation de défendre au mieux les intérêts de son client, d’autant que son successeur a immédiatement décelé cette irrégularité. En outre, les éléments produits laissent supposer que l’engagement litigieux était en outre manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution, moyen que l’avocat a également omis de soulever. Le client a donc perdu une chance d’obtenir la nullité de l’engagement.
Compte tenu du caractère flagrant de la cause de nullité, la perte de chance de ce chef peut être évaluée à 90 % des sommes acquittées par la caution.
En revanche, faute de justifier précisément de l’état de son patrimoine, la caution ne démontre aucune perte de chance de voir déclarer son engagement manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
- Cour d'appel de Colmar, 2e chambre civile, 3 septembre 2020, RG n° 19/00135