Le 10 octobre 2002, M. Gérard L. et son épouse, Mme Valérie M., ont constitué entre eux la SCI Le Tonneau, immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 443 884 747, dont le capital social a été réparti à hauteur de 60 % au profit de M. L. et de 40 % au profit de Mme M.. M. L. a été désigné gérant de cette société.
Suivant acte notarié en date du 17 janvier 2003, la SCI Le Tonneau a acquis la propriété d'une maison d'habitation cadastrée section A n° 281 et d'un bâtiment à usage de garage section A n° 332 situés [...] pour la somme de 89.000 EUR.
Le 25 septembre 2008, M. L. a présenté une requête en divorce.
Le 1er août 2012, M. L. a créé l'EURL Gérard L., reprenant l'activité exercée jusqu'alors sous le statut d'artisan.
Par acte notarié en date du 30 septembre 2013, la SCI Le Tonneau représentée par son gérant, M. L., a cédé à l'EURL Gérard L. représentée par son gérant, M. L., le bâtiment à usage de garage cadastré section A n° 332 pour le prix de 8.000 EUR. L'acte de vente a été publié au service de la publicité foncière le 16 octobre 2013.
Par jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Épinal le 10 janvier 2014, confirmé en cela par arrêt de la cour d'appel de Nancy du 4 mai 2015, le divorce a été prononcé entre M. L. et Mme M..
Selon acte notarié en date du 20 septembre 2017, l'EURL Gérard L. a revendu à M. Fabio G., son épouse, Mme Corinne M., et Mme Allison G., le bâtiment à usage de garage avec terrain attenant pour le prix de 25.000 EUR.
Considérant que cette cession est frauduleuse, Mme M. a fait assigner, le 11 avril 2018, la SCI Le Tonneau, l'EURL Gérard L. et M. L. devant le tribunal de grande instance d'Épinal aux fins de voir, sur le fondement des articles 1832 et suivants du code civil, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, prononcer la nullité de la vente en date du 30 'mai' 2013 entre la SCI Le Tonneau et l'EURL Gérard L. portant sur la cession d'un bâtiment à usage de garage situé [...] cadastré section A n° 332, déclarer le jugement à intervenir commun à M. L., outre leur condamnation à lui payer une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
--o--
L'article 1844-14 du Code civil prévoit que "les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue". Cette prescription spéciale du droit des sociétés s'applique à l'action en annulation d'un acte de vente fondée sur l'irrégularité affectant la délibération ayant autorisé cette vente. Tel est le cas en l'espèce, puisque l'associée de la SCI demande l'annulation d'une vente conclue par la société au motif qu'elle n'a pas été convoquée à l'assemblée générale ayant autorisé cette vente. Or, la vente a été constatée par acte notarié du 30 septembre 2013, publié au service de la publicité foncière le 16 octobre 2013, et l'assignation a été signifiée le 11 avril 2018, alors que la prescription triennale était acquise. En conséquence, l'action en nullité de la vente fondée sur l'absence de convocation de l'associée à l'assemblée générale, ainsi que sur le non-respect de la majorité nécessaire pour décider de cette vente, est irrecevable comme prescrite.
En revanche, s'agissant des moyens de nullité de la vente reposant sur le droit commun des contrats, donc soumis à la prescription de droit commun de cinq ans, il est rappelé que la vente a été conclue le 30 septembre 2013 et que l'assignation a été signifiée moins de cinq ans plus tard, le 11 avril 2018. Dès lors, ces moyens ne sont pas prescrits et sont donc recevables.
La demande est mal fondée. Le premier moyen invoqué résiderait dans une faute du gérant de la SCI qui a signé l'acte de vente à la fois en sa qualité de gérant de la SCI et en sa qualité de gérant de l'EURL cessionnaire. Cependant, l'associée ne précise pas sur quel fondement la nullité de la vente pourrait être prononcée à ce titre. Au surplus, elle ne caractérise aucune faute du gérant de la SCI à cet égard, qui était effectivement le gérant des deux sociétés et était donc fondé à les représenter. Quant au moyen tiré du caractère lésionnaire du prix de vente, il est irrecevable, la prescription de deux ans prévue par l'article 1676 du Code civil étant acquise.
- Cour d'appel de Nancy, 1re chambre civile, 18 janvier 2021, RG n° 20/00537