Monsieur Laurent T. est décédé le 30 avril 2017. ll vivait en concubinage avec madame Fadila I. jusqu'à son décès.
ll avait établi le 23 novembre 2009 un testament olographe aux termes duquel il instituait comme Iégataire universelle, sa mère, madame Nicole M., à qui il léguait la pleine propriété de l'ensemble des biens meubles et immeubles dépendant de sa succession.
Maître Philippe G., notaire à MEZERIAT dans l'AIN, en charge de la succession, a établi le 22 juin 2017 l'acte de notoriété confirmant la qualité de légataire universelle de madame Nicole F. épouse M..
Madame Fadila I. faisait parvenir à maître G., par mail du 10 mai 2017, la copie d'un document vraisemblablement daté du 10 avril 2017, entièrement manuscrit, signé de sa main et rédigé comme suit :
'Mes heritiés, Fadila H. et le conte n°16347177320 pour Me M. Nicole 10 04 201 7 T.'.
La mention "conte" était corrigée par la suite par la mention "compte".
L'original de ce document n'ayant pas été transmis au notaire, par courrier en date du 28 juin 2017, maître G. confirmait à madame Fadila I., qu'elle n'avait aucun droit dans la succession de monsieur Laurent T. et devenait à ce titre occupante sans droit ni titre de la maison dont il était propriétaire.
Par courriers recommandés avec avis de réception en date des 5 juillet et 26 août 2017, maître G. réitérait sa demande auprès de madame Fadila I. de quitter la maison.
Dans le même temps, un compromis de vente avait été signé par madame Nicole M. le 28 juillet 2017, prévoyant une réitération authentique au 30 septembre 2017.
Madame M. se présentait dans la maison le 5 septembre 2017 et découvrant que les serrures avaient été changées et ce alors que la date de déménagement était fixée la veille, elle saisissait un huissier de justice aux fins de constat.
Dans l'intervalle, madame Fadila I. retrouvait l'original du document qu'avait rédigé son défunt compagnon, Monsieur T., le 10 avril 2017.
Elle déposait, le 5 septembre 2017, l'original du testament chez maître C., notaire associée à CHALON-SUR-SAONE, laquelle dressait, le 12 septembre 2017, un procès-verbal de dépôt de testament après décès de monsieur Laurent T. et le déposait au greffe du Tribunal de grande instance de CHALON-SUR-SAONE le 18 septembre 2017.
Par acte d'huissier en date du 5 octobre 2017, madame Nicole M. a fait assigner madame Fadila I. devant le tribunal de grande instance de CHALON-SUR- SAONE aux fins notament de voir déclarer nul et de nul effet le testament déposé entre les mains de maître C., notaire, le 05 septembre 2017, déclarer Madame Fadila I. occupante sans droit ni titre du bien immobilier sis [...] et ordonner son expulsion, ainsi que celle de tout occupant de son chef, sous astreinte de 100 EUR par jour de retard à compter du jugement définitif, outre une indemnité d'occupation, des dommages et intérêts, relever et garantir Madame M. de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre et au profit des bénéficiaires du compromis de vente du 28 juillet 2017.
Par jugement du 3 juin 2019, le Tribunal de grande instance de CHALON-SUR-SAONE a notamment :
- déclaré le testament produit par Madame Fadila I. nul en ce qu'il ne respecte pas les conditions de l'article 970 du code civil,
- dit que Madame Fadila I. devra quitter la maison sise [...], dans un délai maximum de trois mois après que le présent jugement soit devenu définitif, sous peine de 100 € d'astreinte par jour de retard,
- débouté les parties leurs plus amples demandes, fins et conclusions,
- condamné Madame Fadila I. à verser à madame M. la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Madame Fadila I. aux entiers dépens.
Par déclaration du 11 juillet 2019, enregistrée le 15 juillet 2019, madame Fadila I. a interjeté appel de tous les chefs de cette décision.
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Alors que le défunt avait rédigé un testament olographe instituant sa mère légataire universelle, la concubine du testateur a fait parvenir au notaire, par mail, la copie d'un document vraisemblablement daté du 10 avril 2017, entièrement manuscrit, signé et rédigé de la main du défunt. S’il incombe à la concubine, qui se prévaut de ce second testament, de prouver la validité de ce second testament, un brouillon ne peut être retenu comme testament valable que dans la mesure où les conditions de l'article 970 du Code civil sont remplies, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Un doute existe du fait de la surcharge sur la date. Ce document ne constitue pas un acte complet et abouti, en l’absence de date certaine. Ensuite, il est permis de s’interroger quant à l'aboutissement de la volonté de tester réellement en faveur de la concubine en raison de l’écriture du nom de celle-ci.
Enfin, n'étant pas établi de communauté de vie sur le plan patrimonial et financier, ni d'indices laissant penser à une volonté du défunt de vouloir gratifier la concubine, aucune attestation ou élément extrinsèque permet de démontrer la volonté de tester dans ce sens, en dehors du document litigieux.
- Cour d'appel de Dijon, 3e chambre civile, 10 juin 2021, RG n° 19/01126