Selon l'article 544 du Code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. Conformément à l'article 651 du même code, ce droit est limité par l'obligation de ne pas causer à autrui un dommage excédant les inconvénients normaux du voisinage.
Il incombe à celui qui invoque l'existence d'un trouble d'établir son caractère anormal. Celui-ci doit être apprécié in concreto.
La cour relève à titre liminaire que les époux G. se déclarent propriétaires d'une parcelle cadastrée section A n° 923 (selon plan cadastral annexé au procès-verbal de constat du 18 avril 2018), non-mitoyenne de celle sur laquelle le poulailler litigieux est implanté (parcelle n° 732), située dans la commune de Saint-Sylvestre dont le caractère rural n'est contesté par aucune des parties, étant précisé que monsieur B. fait pour sa part observer que le poulailler ciblé par ses voisins a été construit par ses parents en 1956 et justifie par ailleurs que sa famille et lui-même ont régulièrement procédé à l'acquisition de gallinacées (dont des coqs) au moyen d'attestations et de factures anciennes (1995, 1996, 1997, 1998, 1999, 2002, 2006).
Pour démontrer l'existence d'un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, en ce qu'ils seraient '"éveillés toutes les nuits par le chant [des] volatiles", les époux G. versent aux débats :
- un constat d'huissier du 31 août 2016,
- un second constat du 18 avril 2018,
- un dépôt de plainte du 17 avril 2017,
- une attestation du Docteur C. en date du 9 novembre 2017,
- différentes photographies de coqs dont l'origine ne peut être déterminée dans le temps et dans l'espace.
Dans son constat dressé le 31 août 2016, l'huissier de justice mandaté par les époux G. relève la présence d'un bâtiment à usage de poulailler comprenant des canards, des poules et cinq coqs sur une propriété voisine. Entre 9 heures et 10 heures, après plusieurs minutes d'attente et sans procéder à une quelconque mesure, l'huissier relate avoir entendu, depuis la propriété des requérants, des caquètements d'intensité variable en provenance de ce poulailler. Aucune mesure acoustique n'a été réalisée à ce titre par l'officier ministériel lors de ses constatations.
Un second procès-verbal de constat du 18 avril 2018, réalisé entre 4h45 et 6h15, objective comptablement l'existence de chants répétés de coqs, pouvant se cumuler à 18 chants sur une période de 2 minutes, audibles depuis l'intérieur de la villa des époux G., fenêtres et volets fermés. Sans dénombrer le nombre de spécimen présents dans le poulailler, l'huissier constate alors, depuis l'extérieur de la maison des requérants, un niveau sonore sans bruit notable de 37,9 décibels à 4h45 puis, à 6h, un niveau sonore de 56,6 décibels lors d'un épisode de chants.
Si la cour observe que le certificat médical du 9 novembre 2017 relate que monsieur G. a consulté son médecin pour des troubles du sommeil, dont l'origine n'est pas précisée, elle retient néanmoins que l'huissier de justice a limité, lors du constat du 18 avril 2018, ses constatations à une seule mesure, effectuée à l'extérieur de la bâtisse, alors-même que les intimés dénoncent l'existence de bruits provoquant des réveils nocturnes ou matinaux et perturbant leur sommeil.
De plus, les époux G. ne sauraient valablement exciper d'une infraction contraventionnelle, au visa des articles R.1336-5 et suivants du Code de la santé publique, par dépassement des valeurs fixées à l'article R.1336-7, sur le fondement d'une unique mesure du bruit résiduel puis d'une unique mesure du bruit résultant de chants de coqs effectuées à des heures distinctes de la journée et, potentiellement, à des endroits distincts de leur parcelle (depuis la cour intérieure de la propriété pour la première mesure et depuis la parcelle, sans autre précision, pour la seconde).
En ce sens, il importe de relever que la plainte déposée par monsieur G. a été classée sans suite par le procureur de la République d'Annecy aux termes de l'avis qui a été adressé aux plaignants.
Il en résulte que, faute d'attestation de voisins, d'amis ou de proches témoignant des nuisances dénoncées, ou faute de constatations étayant de façon consistante l'intensité du trouble allégué, les éléments probatoires versés aux débats par les époux G. ne sauraient démontrer le caractère anormal du trouble qui n'est in fine étayé qu'au moyen d'une seule mesure réalisée dans des conditions distinctes de celles du préjudice qu'ils allèguent.
Aussi, si le contexte rural sus-évoqué ne saurait permettre à un propriétaire d'imposer à ses voisins des nuisances sonores excédant les inconvénients normaux du voisinage, force est de constater que les seuls éléments produits aux débats par les époux G. sont insuffisants pour caractériser l'anormalité du trouble allégué.
Dans ces conditions, les époux G. doivent être déboutés de leurs demandes, le jugement de première instance étant dès lors réformé. Ils sont en outre déboutés de leur demande indemnitaire subséquente.
- Cour d'appel de Chambéry, 2e chambre, 9 décembre 2021, RG n° 19/01737