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Le 16 avril 2022

 

Sur le trouble anormal de voisinage :

Aux termes de l’article 544 du code civil, «la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements

La limite à ce droit est que nul ne doit causer à autrui de trouble anormal de voisinage, et qu’à défaut, il en devra réparation, même en l’absence de faute.

L’anormalité du trouble doit s’apprécier au regard des circonstances locales, et doit présenter un caractère suffisamment grave ou répété pour dépasser les inconvénients normaux de voisinage, sans qu’il soit nécessaire de caractériser une faute de son auteur.

Il appartient à celui qui invoque le trouble anormal de voisinage d’en rapporter la preuve.

En l’espèce, suivant les conclusions de l’expert, les nouvelles constructions :

-n’entraînent pas de perte d’ensoleillement significative, (et d’ailleurs, devant la cour, Y Z ne se plaint plus d’un tel préjudice),

-à quelques centimètres près, elles sont conformes aux permis de construire délivrés, tant par leur hauteur que par leur distance avec la limite du fonds Z, qui doit dépasser 3 mètres, selon le plan local d’urbanisme,

-la vue antérieure dégagée sur l’horizon est perdue, les deux nouvelles maisons étant positionnées devant celle de Y Z, le ressenti est très défavorable,

-la modification du cadre de vie est considérable, radicale et définitive,

-les vues créées sur sa propriété pourraient être réduites par le doublage de la clôture de Y Z,

-le bien est affecté d’une moins-value qui pourrait aller jusqu’au quart de sa valeur,

-le plan local d’urbanisme qui interdisait toute construction devant le terrain de Y Z sur 75 m jusqu’à la route départementale 575 a été modifié et a permis les constructions qui ont obturé la vue qui portait alors au-delà des 75 m sur une zone non urbanisée.
Contrairement à ce que soutient Y Z, les deux maisons n’ont pas été édifiées à moins de 3,5 m de sa maison, mais à plus de 3,5 m de la limite de son fonds.

S’il ressort du rapport d’expertise et des permis de construire délivrés que les propriétés sont situées en zone 1AUb4, aucun extrait de ce plan local d’urbanisme n’étant versé aux débats, il ne peut être confirmé, comme le soutient Y Z qu’il s’agit d’une zone « en voie d’urbanisation » plutôt que d’une zone urbanisée.

En toute hypothèse, la modification du plan local d’urbanisme est à l’origine, ou a permis les constructions dénoncées.

S’il est admis qu’un trouble anormal de voisinage peut être constitué alors même que les constructions ont été réalisées conformément à la réglementation, encore faut-il démontrer l’anormalité de ce trouble qui doit être suffisamment grave ou répété.

En l’espèce, la perte de vue est réelle, mais hormis le fait qu’elle était dégagée et vide de constructions, rien ne démontre son caractère particulier en ce qu’elle aurait porté sur une nature d’intérêt ou un paysage d’exception.

Or, le droit à la vue n’est pas protégé, notamment en zone vouée à être construite, les propriétaires des nouvelles maisons ne pouvant être tenus pour responsables de la modification des règles locales d’urbanisme.

Le deuxième problème évoqué par Y Z consiste en la perte d’intimité ressentie par la proximité des lieux de vie de ses voisins avec ses différents espaces de vie, y compris dans son logement.

Or, la réalité de la perte d’intimité dans son logement n’est pas caractérisée en l’absence de précision, hormis des perceptions, sur la distance entre ses pièces de vie et la limite des fonds, et alors que les photographies produites mettent en évidence des baies vitrées dépourvues de tout rideau.

Concernant la perte d’intimité dans son jardin ou sa piscine, elle ne présente pas un caractère de gravité traduisant son anormalité dès lors qu’il peut y être remédié par des plantations ou des clôtures choisies en fonction de la situation, quant à la vue, l’ensoleillement et l’intimité.

Enfin, la perte de valeur du bien, si elle était établie, ce qui ne saurait résulter des trois estimations immobilières établies en novembre et décembre 2015 et de l’affirmation de l’expert selon laquelle le bien est affecté d’une moins-value qui pourrait aller jusqu’au quart de sa valeur, aurait pour origine principale la modification du plan local d’urbanisme dont les constructions ne sont que la conséquence.

Il convient au surplus d’ajouter que le rapport a été établi peu de temps après les constructions et qu’il résulte des photographies produites et datant de 2019 que des végétaux plantés sur le terrain de Y Z le long de sa clôture atténuent d’ores et déjà les inconvénients dénoncés.

Pour l’ensemble de ces motifs et ceux retenus par le premier juge, le jugement ayant rejeté les demandes de Y Z donc confirmé.

Référence: 

- Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 13 janvier 2022, RG n° 19/03575