Par acte sous signature privée du 1er août 2017, Mme Patricia C. a consenti un bail à M. Mohamed F. et Mme Amina S. épouse F. portant sur un local d'habitation meublé situé à Fameck moyennant un loyer mensuel de 600 EUR.
Par acte d'huissier du 16 juillet 2019, elle a assigné M. F. devant le juge des contentieux de la protection du tribunal d'instance de Thionville et par acte du 22 novembre 2019 elle a appelé Mme Amina S. épouse F. en intervention forcée aux fins de voir prononcer la résiliation du bail, ordonner l'expulsion des locataires et les voir condamner solidairement à lui verser une somme au titre de l'arriéré locatif, une indemnité d'occupation jusqu'à libération effective des lieux, des dommages et intérêts pour préjudice moral et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. et Mme F. se sont opposés aux demandes et ont sollicité à titre reconventionnel des dommages et intérêts pour eux-mêmes et ès qualités de représentants de leurs enfants mineurs Aya et Fahad F., outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civileIl y a lieu de résilier le bail aux torts des locataires qui ont cessé, de manière durable, de régler les loyers.
Appel a été relevé de la décision de première instance.
Les locataires ne peuvent valablement justifier l'inexécution de leur obligation de paiement des loyers et charges pendant de très nombreux mois par les coupures en alimentation d'eau, d'électricité et de gaz dont le bailleur serait à l'origine. L'exception d'inexécution est conditionnée par la gravité du manquement du bailleur à son obligation de délivrance et donc à l'inhabitabilité des lieux, laquelle n'est pas démontrée. Il apparaît en effet que les coupures, dont la réalité est avérée cinq mois après que les locataires ont cessé d'exécuter leur obligation de paiement, ont été temporaires, l'avocat des locataires indique notamment par courrier que l'alimentation en gaz et en électricité a été rétablie et un procès-verbal de constat qui évoque au contraire l'absence d'électricité et de gaz, fait état d'alimentation en eau. En outre, il est relevé que des coupures en alimentation en eau et en gaz ont été initiées par les distributeurs, faute de règlement des factures auquel les locataires ont contribué en l'absence de paiement de leurs loyers et charges à la bailleresse qui justifie avoir été elle-même dans une situation précaire. Le fait que les locataires n'ont pu disposer d'une boîte aux lettres individuelle ou encore d'une clé du logement n'est pas davantage susceptible de légitimer l'exception d'inexécution du paiement du loyer, dès lors que ces manquements ne sont pas d'une gravité telle qu'ils remettent en cause l'habitabilité de l'appartement.
C'est à bon droit que les locataires recherchent la responsabilité du bailleur pour manquement à son obligation d'assurer la jouissance paisible du logement. Il apparaît qu'à plusieurs reprises et indépendamment des interruptions initiés par les distributeurs, le bailleur a de son propre chef coupé l'alimentation en énergies et eau de l'appartement loué, comme en attestent les procès-verbaux dressés par huissier de justice. Le fait que les locataires se soient abstenus de payer leur loyer ne peut justifier la coupure volontaire par la bailleresse de l'alimentation du logement occupé par une famille. Il est également établi par les constats d'huissier que les locataires n'ont bénéficié ni d'une boîte aux lettres à leur usage exclusif, ni d'une clé pour la porte d'entrée de leur appartement et ce malgré l'ordonnance du juge des référés condamnant la bailleresse à mettre à leur disposition l'une et l'autre dans un délai de 15 jours. Les manquements de l'intimée ont nuit à la jouissance paisible des locaux qu'elle devait assurer à ses locataires, qui ont vécu avec leurs deux jeunes enfants sans pouvoir par moments se chauffer, cuisiner, s'éclairer et dans des conditions sanitaires primaires, l'huissier de justice ayant notamment relevé la présence de jerricans d'eau dans la baignoire et de nombreux packs d'eau dans la salle de bains et la cuisine. Il appartient à la bailleresse de réparer le dommage ainsi causé aux locataires jusqu'au prononcé de la résiliation du contrat de location, date à laquelle ils sont devenus occupants sans droit, ni titre.
Compte tenu des éléments dont dispose la cour, le préjudice subi par chacun des habitants de l'appartement peut être estimé à 2.000 EUR.
- Cour d'appel de Metz, 3e chambre, 10 Mars 2022, RG n° 20/01520