La jurisprudence actuelle précise le régime du permis de construire modificatif.
D’une part il s’agit d’un outil utilisé par les promoteurs pour adapter une programmation (I) et d’autre part, le permis de construire modificatif est un outil de régularisation utilisé pour purger les recours du permis de construire initial (II).
- Le permis de construire modificatif : un outil d’adaptation
La nouvelle jurisprudence précise les contours du champ d’application du permis de construire modificatif en modifiant les conditions de légalité requises pour sa délivrance. (Conseil d’État, Section, 26/07/2022, n°437765, Publié au recueil Lebon). La solution est la suivante :
Par son arrêt du 26 juillet 2022, le Conseil d’État admet la délivrance d’un permis de construire modificatif lorsque la nature du projet reste identique. Dans ce cas, le permis modificatif est suffisant et il n’est plus nécessaire de déposer une nouvelle demande de permis de construire.
Avant ledit arrêt du 26 juillet 2022, il était question d’apprécier si les modifications remettaient en cause la conception générale du projet. Il sera désormais retenu un critère plus souple puisqu’un permis de construire modificatif pourra être délivré tant que la nature du projet n’est pas bouleversée et qu’elle reste inchangée.
Ainsi, lors de la vente en l’état futur d’achèvement, il convient de prévoir précisément l’aval de l’acquéreur sur le permis de construire modificatif à déposer par le vendeur et sur la définition de la « nature du projet ».
Au stade de la commercialisation du programme, il faudra être d’autant plus vigilant aux pouvoirs donnés au vendeur par l’Acquéreur, dans les VEFA. En effet, ces derniers doivent être durcis dans le cadre du contrat en tenant compte encore davantage de l’opération envisagée.
Au-delà d’être un outil permettant de modifier une programmation, le permis de construire modificatif reste une solution permettant de régulariser le permis de construire initial. Cette solution est désormais à nuancer avec la prise de position du Conseil d’État au mois de février 2023.
- Le permis de construire modificatif : un outil de régularisation
Un grand nombre de recours contre le permis de construire initial sont purgés grâce à l’obtention d’un permis de construire modificatif.
Pour autant, cette méthode doit aujourd’hui être mesurée à la lumière d’une nouvelle jurisprudence. En effet, un arrêt du Conseil d’Etat très récent et tout récemment commenté vient élargir les voies de recours contre le permis de construire modificatif. (Conseil d’État, Section, 17/02/2023, n°454284, Publié au recueil Lebon)
La solution est la suivante :
- Tout permis de construire modificatif pourrait être contesté, par les demandeurs de l’instance contre le permis de construire initial, tant que le juge n’a pas statué sur le fond ;
- Dans ce cas, la contestation du permis de construire modificatif pourrait intervenir sans condition de délai, ni de forme (mémoire complémentaire ou requête jointe au dossier initial).
Ainsi, cet arrêt apporte une large ouverture de l’intérêt à agir contre le permis de construire modificatif en admettant que la contestation du permis de construire modificatif soit introduite dans le cadre du recours contre l’autorisation initiale.
L’absence de condition de forme et de délai diminue l’avantage du permis de construire modificatif en ouvrant les voies de recours contre les mesures de régularisation qui pourraient intervenir en cours d’instance.
Nous constatons donc que cette jurisprudence va malheureusement à contre-courant de la législation actuelle visant à limiter les recous abusifs contre les autorisations administratives. Son application pratique risque de retarder davantage les projets de construction.
Les experts de l'ONB: David Dole et Delphine Pierfederici