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Le 09 septembre 2019

Selon acte notarié du 11 janvier 1997, M. C A et Mme Y X ont fait l’acquisition d’un bien immobilier situé sur la commune de Guimaec, au lieu dit 'Ty Nech’ moyennant le prix de 119.215,13 €. L’acte comportait une clause d’accroissement ou tontine.

M. C A et Mme Y X se sont mariés le […] sans contrat préalable.

La Cour d’appel de Rennes a, selon arrêt du 5 mai 2015 infirmant l’ordonnance du président du Tribunal de grande instance (TGI) de Brest statuant en la forme des référés en date du 13 mai 2013, condamné Mme X à payer à M. A une somme de 16.100 € au titre de l’indemnité d’occupation de l’immeuble acquis, pour la période du premier septembre 2010 au premier septembre 2014 puis à payer chaque année au premier septembre la somme de 700 € par an indexée.

Le divorce des époux A – X a été prononcé par jugement en date du 15 juin 2015.

Par acte du 6 janvier 2016, M. C A a assigné Mme Y X devant le TGI de Brest pour voir principalement ordonner, au visa des dispositions de l’art. 1104, alinéa 2, du Code civil, qu’au jour de l’acquisition, le financement du bien provenait de ses fonds seuls, prononcer le nullité de la clause de tontine, en conséquence, dire qu’il est le seul propriétaire du bien.

Appel a été relevé par M. A.

Le principe 'Nemo Auditur' :

Nemo auditur propriam suam turpitudinem allegans est une expression latine qui peut se traduire par : « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».

M. A explique ne pas être un professionnel du droit et tout ignorer, à l’époque de la signature, des clauses d’accroissement et pactes tontiniers, affirme que cette clause n’a pas stipulée dans l’acte à sa demande ; qu’il indique que le notaire, qui était le notaire de famille de Mme X, ne l’a pas averti des conséquences d’une telle clause, totalement incompréhensible pour un non professionnel et sur l’existence nécessaire d’un aléa ; qu’il estime que la maxime ' Nemo auditur ' ne peut être invoquée, qu’il a un intérêt légitime à agir,

Invoquant les termes de l’art. 1 du Code de procédure civile et la maxime "Nemo Auditur", Mme X soutient que M. A est irrecevable en sa demande de nullité de l’acte pour défaut d’aléa, alors qu’il a participé à l’acte.

Mais la maxime, applicable aux contrats à titre onéreux, ne saurait faire obstacle à l’action en nullité ; en effet, le principe : "nemo auditur propriam turpitudinem allegans" ne concerne pas les conditions de recevabilité des prétentions mais les conséquences de l’annulation du contrat, par conséquent, toute la discussion élevée par les parties sur l’application de cette maxime au regard de l’attitude de M. A est inopérante,

Le principe de l’estoppel :

M. A soutient que le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui ne saurait prospérer en l’espèce compte tenu du fait que l’assignation délivrée le 13 mai 1993 devant le juge statuant en la matière des référés, sur le fondement des articles 815-9 et 815-11 du Code civil, avait pour objet de mettre en oeuvre le régime applicable à la situation juridique créée par la clause qui produisait ses effets pour tout bien en indivision ; que la procédure actuelle a un objet totalement différent ; que le principe ne peut être opposé sinon au cours d’une même instance,

Mme X soutient que la demande de M. A est irrecevable, alors qu’il a invoqué l’existence de la clause de tontine à l’occasion d’un précédent litige opposant les parties afin de se voir reconnaître due une indemnité d’occupation ; qu’il modifie actuellement ses prétentions à son détriment ;

Mais l’action que M. A a engagée devant le président statuant en matière de référés pour voir fixer une indemnité d’occupation du bien acquis le 11 janvier 1997 puis devant la cour, quels que soient d’ailleurs les moyens qu’il a pu alors invoquer, et l’action actuelle tendant à voir prononcer la nullité de la clause de tontine, actions qui ont été portées devant des juridictions différentes ne sont pas de même nature ; que l’action engagée par M. A ayant donné lieu à la condamnation de Mme X à verser une indemnité d’occupation a pour causel’occupation privative du bien sur lequel les parties sont cotitulaires d’un droit de jouissance ; la présente action a pour cause l’existence même de la clause de tontine ; que dès lors, le principe invoqué par Mme X ne s’applique pas à l’action en cours.

La fin de non recevoir sera rejetée et le jugement infirmé.

Sur le fond :

La demande en nullité de la clause d’accroissement

M. A indique que l’acquisition d’un bien avec clause d’accroissement constitue un contrat aléatoire à titre onéreux ; que, visant les art. 1104 alinéa 2 et 1108, alinéa 2, du Code civil, il indique que la validité de la clause de tontine est subordonnée à la présence d’un aléa au jour de la conclusion du contrat, aléa qui peut être vital ou financier, lesquels ne sont pas cumulables ; que l’aléa financier peut être défini comme une chance de gain ou de perte pour chacune des parties, d’après un événement incertain, et que lors de la conclusion du contrat, les parties doivent disposer de chances et de risques égaux ; qu’en l’espèce, il n’y a aucun aléa financier pour l’une des parties puisqu’il a seul financé l’acquisition du bien et le justifie ; que par conséquent, l’annulation de la clause de tontine s’impose ainsi que la qualification du bien en bien indivis,

Mme X rappelle que l’acte d’acquisition comportant une tontine est un contrat onéreux aléatoire qui exclut l’application du régime de l’indivision ; elle soutient que le seul aléa devant être retenu en matière de tontine est un aléa viager et que le caractère aléatoire de la tontine résulte de la seule absence de différence d’âge sans cumul avec une participation financière égalitaire,

Mais considérant que selon l’acte du 11 janvier 1997 : "Il est expressément convenu entre les acquéreurs :

1)- d’une part qu’ils jouiront en commun, pendant leur vie, de l’IMMEUBLE objet de la présente vente.

2)- et d’autre part à titre de clause aléatoire, que le premier mourant d’entre eux sera considéré comme n’ayant jamais eu un droit à la propriété de cet immeuble, laquelle appartiendra en totalité au survivant sur la tête duquel ladite propriété sera censée avoir toujours reposé depuis le jour de la présente acquisition, la présente clause conférant ainsi à chacun des acquéreurs la propriété de l’immeuble tout entier, à partir du jour de son acquisition sous conditionsuspensive de sa survie et sous condition résolutoire de son prédécès, et en vertu de la rétroactivité de la condition, celui de l’acquéreur qui survivra étant censé tenir directement et dès l’origine ses droits du vendeur.

La présente clause est exclusive d’une indivision relativement à l’immeuble entre les acquéreurs. En conséquence tant que les acquéreurs seront en vie, aucun d’eux ne pourra en réclamer le partage ou la licitation et, seul leur commun accord pourra permettre l’aliénation de l’immeuble acquis, sa disposition sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ou la constitution sur ce bien d’un droit réel quelconque".

Ll’aléa doit exister au jour de la signature du contrat portant la clause de tontine.

Lors de l’achat du bien le 11 janvier 1997, les parties étaient toutes deux âgées de 30 ans ; rien ne permet de dire que les parties n’avaient pas de chances égales de survie ; que l’aléa viager existe ;

Lors de l’achat du bien le 11 janvier 1997, les parties exerçaient toutes deux une activité professionnelle rémunérée de sorte que l’aléa financier existait au jour de la signature de la convention et que, comme le remarque M. A, "chacun doit risquer de perdre une valeur équivalente à celle qu’il est susceptible de gagner"; M. A ne peut soutenir que le financement exclusif du contrat par lui seul  – élément postérieur à la signature du contrat t- exclut tout aléa, alors qu’aucun élément objectif n’interdisait qu’il ne soit autrement .

La demande en annulation de la clause n’est pas fondée et elle est rejetée.

Référence: 

- Cour d'appel de Rennes, 1re chambre, 3 septembre 2019, RG n° 17/06678