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Le 04 août 2011
Les propriétaires avaient eu à supporter une charge spéciale et exorbitante provoquant une rupture du juste équilibre à ménager entre la protection de leur propriété et les exigences de l'intérêt général
Vers la fin des années 1960, les propriétaires de l'une des trois îles de la commune d'Hyères Les Palmiers ont décidé de vendre une grande partie de leurs terres. Ils eurent alors une discussion des acheteurs potentiels, mais l'État, voulant intégrer cette île dans son domaine privé pour en éviter le morcellement et la dégradation accélérée, s'intercala dans la négociation.

Ayant écarté les procédures de classement et d'expropriation jugées trop onéreuses, et conscient de ne pouvoir rivaliser avec les prix proposés par les acquéreurs privés, l'État parvint à obtenir le consentement des vendeurs en leur garantissant le droit de construire sur une dizaine de milliers de mètres carrés intégrés aux quelques parcelles dont ils conserveraient la pleine propriété. Les actes de cession consacrant cet accord furent passés en la forme administrative devant M. le préfet du Var en mai 1971.

Quelques années plus tard, un plan d'occupation des sols (POS) de la commune d'Hyères les Palmiers fut adopté afin de préserver complètement l'île contre les constructions nouvelles. Les consorts R et L B se heurtèrent donc à des refus de permis de construire sur les terrains qui auraient dû relever du droit de construire expressément sauvegardé par le contrat de vente passé sans l'intervention d'un notaire.

Ce retournement de situation détermina les vendeurs à demander la résolution judiciaire de la vente et des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'ils subissaient.

Or, les juges judiciaires estimèrent sur le fond que l'État n'avait pas pu garantir les droits à construire définitif quel que pût être l'évolution ultérieure des règles d'urbanisme, et la Cour de cassation par un arrêt du 19 déc. 2006 avait jugé que cette interprétation des termes ambigus des actes de vente passés devant le préfet était souveraine et sans dénaturation.

Ayant épuisé les voies de recours internes, les héritiers des consorts R et L B ont saisi la Cour européenne des droits de l'Homme à Strasbourg.

Par un arrêt du 18 nov. 2010 (cité en référence), la Cour européenne a jugé que {{les propriétaires avaient eu à supporter une charge spéciale et exorbitante provoquant une rupture du juste équilibre à ménager entre la protection de leur propriété et les exigences de l'intérêt général}}.

La Cour relève qu'en particulier l'État n'a pris aucune mesure pour honorer ses engagements contractuels alors qu'au plus haut niveau, il était conscient de leur portée et de leur impact environnemental sur l'île de P. Les autorités n'ont pas non plus recherché de solution de compromis ou proposé de compensation aux requérants. Aucune démarche n'a non plus été entreprise dans le sens des solutions concrètes de relocalisation ou de substitution proposées par l'étude d'impact des conventions passées entre l'État et les requérants réalisée en 1977.

Et que les autorités ont privé les requérants de la jouissance effective de leurs droits et de la possibilité d'obtenir soit la remise en cause des actes de vente, soit une indemnisation pour le préjudice subi. Ils ont ainsi supporté une charge disproportionnée, qui a rompu le juste équilibre entre la protection de leur propriété et les exigences de l'intérêt général, comme il est écrit plus haut.

En conséquence, la Cour a constaté que les propriétaires privés avaient été victimes d'une violation de leurs droits garantis par l'article 1er du protocole n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle leur a accordé une satisfaction équitable dont le montant global est de 1.500.000 euro.

Par cette décision, la Cour reconnaît la nécessité de l'intervention d'un tiers rédacteur dans un acte de vente, que ce soit un notaire ou un avocat, afin de conseiller les parties. L'Etat, un département, une commune, ne peuvent être à la fois l'une des parties avec ses intérêts propres et, par l'intermédiaire de leurs représentants, le rédacteur des actes.
Référence: 
Référence: - Cour européenne des Droits de l'Homme, 5e sect., 18 nov. 2010, (Req. n° 18990/07, 23905/07)

 

Et un commentaire de l'arrêt in La Semaine Juridique Notariale et Immobilière n° 27, 8 juil. 2011, 1209, "Nul ne peut être notaire et partie : émergence d'un nouvel adage européen ?", Réflexions autour CEDH, 18 nov. 2010, Étude rédigée par Jean-Pierre Marguénaud et Benjamin Dauchez