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Le 04 mai 2016

M. et Mme Y ont acquis les lots n° 22 et 23 d'un lotissement par acte du 14 février 1941 qui mentionnait la création d'une servitude non aedificandi grevant le dernier lot d'une largeur de vingt-deux mètres interdisant toute construction ou plantation d'arbre dont la hauteur dépasserait trois mètres au-dessus du sol ; une maison a été construite sur ces terrains ; il a été fait apport du bien à la société civile immobilière (SCI) du Ginestal ; M. X, architecte, a été chargé de réaliser un projet d'extension ; à cette occasion, la servitude non aedificandi a été ramenée à une largeur de quinze mètres avec la permission de réaliser des constructions ne dépassant pas 0, 60 mètre au-dessus des terres naturelles ; que les travaux ont été réalisés le 30 mars 1992 ; par acte du 18 juin 2001 reçu par M. Z..., notaire, la SCI a vendu le bien à M. et Mme A ; la servitude non aedificandi et sa modification ont été rappelées dans l'acte qui stipulait en outre que l'acquéreur souffrirait des servitudes apparentes pouvant grever le bien sans aucun recours contre le vendeur ; un jugement du 4 septembre 2007, confirmé par arrêt du 22 février 2010, ayant constaté que la servitude non aedificandi n'avait pas été respectée, a condamné M. et Mme A à ramener la hauteur de leur terrasse et de leur piscine au niveau du muret séparatif des lots 21 et 22 et à indemniser les propriétaires du fonds dominant de leur préjudice ; M. et Mme A ont assigné la SCI et le notaire rédacteur de l'acte, la SCP Z, désormais dénommée Macédo et Lewczuk (la SCP), aux fins de les voir solidairement condamnés à leur rembourser la valeur de la partie de terrain dont ils ont été évincés et au paiement de dommages-intérêts ; la SCP et la SCI ont appelé en garantie M. X.

La SCI a fait grief à l'arrêt d'appel de la condamner à payer une certaine somme à M. et Mme A au titre de la garantie d'éviction et de rejeter sa demande en garantie formée contre le notaire.

Ayant retenu que l'éviction dont souffraient M. et Mme A ne résultait pas de l'existence de la servitude non aedificandi, mentionnée dans leur titre, mais de sa violation, et relevé que les acquéreurs ne pouvaient soupçonner cette transgression, qui ne leur avait pas été déclarée, alors qu'en outre, la servitude avait été modifiée pour tenir compte du projet de l'architecte, que le notaire, en possession de la convention de servitude, du permis de construire et du certificat de conformité, ne pouvait suspecter que les travaux violaient la servitude, et que rien ne permettait d'affirmer que la présence du vendeur à l'instance engagée par le tiers aurait permis de clore le litige par un accord amiable, la cour d'appel qui, procédant à la recherche prétendument omise, a pu condamner la SCI à garantir l'éviction de M. et Mme A et rejeter le recours en responsabilité contre le notaire, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ces chefs.

M. X a fait grief à l'arrêt d'appel de le condamner à garantir la SCI des condamnations prononcées à son encontre, alors, selon le moyen soutenu par lui , que l'action du maître d'ouvrage contre un constructeur au titre de désordres affectant l'ouvrage doit être engagée dans un délai de dix ans à compter de la réception de l'ouvrage ; qu'un défaut d'implantation nécessitant la démolition d'une partie de l'ouvrage constitue un désordre qui affecte celui-ci ; qu'en l'espèce, pour juger non prescrite l'action en garantie exercée par la SCI du Ginestal, maître d'ouvrage, contre M. X..., architecte, la cour a retenu que cette action ne concernait pas un dommage affectant la solidité de l'ouvrage mais un défaut d'implantation, de sorte qu'elle courait à compter de la manifestation du dommage ; que cependant, ce défaut d'implantation a donné lieu à condamnation de la SCI du Ginestal au titre de la garantie d'éviction envers les époux A, acquéreurs de l'ouvrage condamnés à le démolir pour respecter les exigences d'une servitude non aedificandi, de sorte que l'ouvrage était bien atteint d'un désordre et que la prescription décennale était applicable ; que la cour d'appel a donc violé l'art. 2270 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 et l'art. 1792-4-3 du Code civil dans sa rédaction résultant de la loi du 17 juin 2008.

Mais l'action récursoire du vendeur, qui tend à l'indemnisation du préjudice que lui cause l'obligation de garantir les acquéreurs de l'éviction qu'ils subissent en raison du non-respect de la servitude, relève de la responsabilité civile de droit commun qui se prescrivait par trente ans avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription civile ; que la cour d'appel a exactement retenu que l'action en garantie engagée le 9 mars 2011 par la SCI contre l'architecte, qui avait conçu l'ouvrage litigieux sans respecter la servitude non aedificandi, dont il avait connaissance, n'était pas prescrite.

Référence: 

- Cour de cassation, chambre civile 3, 7 janvier 2016, N° de pourvoi: 14-24777 14-24842, rejet, publié

Cet arrêt a été commenté par :Eric Meiller, notaire, docteur en droit, chargé d'enseignement à l'université Lyon III et Fabrice Collard, maître de conférences associé à la faculté de droit de Nancy II, université de Lorraine, éditeur JCL. Notarial formulaire.
Les auteurs reviennent sur cet arrêt rendu par la Cour de cassation le 7 janvier dernier  duquel il ressort que la clause excluant la garantie du vendeur en matière de servitude est sans portée si celle-ci a été préalablement violée.Ils observent que cette solution concerne deux situations pratiques en matière de vente d'immeuble : l'hypothèse où l'état des lieux contredit une servitude et la situation où l'état des lieux exigerait une servitude pour pouvoir se maintenir, alors que celle-ci n'existe pas.Dans ce commentaire, les auteurs distinguent, d'une part, la responsabilité du vendeur et, d'autre part, la responsabilité du notaire rédacteur de l'acte lorsqu'il ne mentionne pas les servitudes grevant les biens vendus.Ils invitent notamment le notaire à être "le plus méticuleux possible dans sa rédaction afin d'éviter un éventuel contentieux d'interprétation" et indiquent que de "simples clauses de style sont généralement considérées comme inefficaces car elles ne traduisent pas la volonté des parties".En outre, ils proposent un modèle de clause à insérer dans l'acte qui se limite aux servitudes les plus courantes.

Source : Diane Intranot du 4 mai 2016